CHAPITRE IX

 

Cloîtrés entre les murs pourrissants du sanctuaire, les fidèles continuaient leur incantation.

C’était un rituel aussi ancien que le mal lui-même. Lentement, toutes les voix caverneuses s’élevèrent comme une seule. Bientôt, la cérémonie atteindrait un paroxysme longtemps désiré.

Cette église avait autrefois abrité les prières des vertueux. Les seuls sons qui l’emplissaient à présent étaient les psalmodies impies des damnés.

Près de l’autel, Luke se releva brusquement.

Il resta immobile, les yeux écarquillés de ferveur, puis recula. Comme s’ils obéissaient à son signal, les autres fidèles l’imitèrent, la voix tremblante d’impatience.

Luke tendit les mains vers l’autel. Sans crier gare, une tête jaillit de la flaque poisseuse. Le jeune homme sursauta et, incapable de détacher les yeux de ce spectacle, continua à reculer.

Quand la tête eut fini d’émerger, elle fut suivie par la silhouette élégante d’un roi endormi, dont le corps massif ruisselait de sang épais.

Le Maître était le plus puissant des vampires. Né Heinrich Joseph Nest, six cents ans plus tôt, il était entièrement vêtu de noir et faisait un spectacle aussi fascinant que répugnant.

Son visage ne ressemblait pas à celui d’un humain, car il y avait longtemps que le démon l’avait emporté en lui. Son port de tête altier trahissait son invincibilité, inspirant la soumission et une loyauté sans faille.

Il s’avança et tendit à Luke une main que celui-ci prit respectueusement.

— Maître, croassa-t-il.

Le vampire fit encore un pas. Son visage était toujours à demi plongé dans les ténèbres. Luke battit en retraite pour lui céder le passage, tandis que le Maître regardait autour de lui.

— Luke…

— Maître ?

— Je suis faible.

— La Moisson vous restituera vos forces, promit le jeune homme.

— La Moisson…

— L’heure est presque venue. Bientôt, vous serez libre.

Le vampire pivota sur les talons. Il tendit un bras et fit un geste vif. L’air ondula autour de lui, formant une sorte de barrière magique.

Sans un mot, il laissa retomber son bras.

— Je dois être prêt, déclara-t-il. J’ai besoin de tous mes pouvoirs.

— J’ai envoyé vos serviteurs chercher de la nourriture, le rassura Luke.

— Bien. Quelque chose de jeune, j’espère.